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Questionnement de la Ville de Paris autour de l’individualisation des compteurs

Selon une étude réalisée par Bernard Barraqué, directeur de recherche au CNRS-Latts[1] pour le compte de la mairie de Paris et présentée début avril 2008 au Cercle Français de l'Eau, la pose de compteurs d’eau individuels dans les immeubles collectifs est avant tout une solution onéreuse qui n’entraîne pas de diminution des consommations significatives.

La Ville de Paris ayant souhaité évaluer l’opportunité d’une individualisation des factures d’eau et de la mise en place d’une tarification par blocs croissants. Elle a donc confié au chercheur une étude sur les enjeux de la tarification sociale des services de l'eau. Ainsi, la démarche visait à atteindre un triple objectif :

Environnemental : diminuer les consommations en responsabilisant le consommateur.

Économique : recouvrer les coûts de fonctionnement des services.

Social : faire du droit à l'eau une réalité en mettant à disposition d'un nombre de m3 à prix très bas.

L’étude de Bernard Barraqué met en perspective la question de l'individualisation des contrats de fourniture d'eau, de la prévention des impayés des factures d'eau et des différents systèmes de tarification de l'eau, en s'attachant à évaluer le système français de tarification par rapport aux exemples étrangers. Il a donc mené des comparaisons avant/après la pose de compteurs individuels en habitat collectif.

Les résultats de l’étude menée à Paris en 2007, montrent que la consommation de trois immeubles étudiés n’a pas diminué. A Toulon, les consommations d’un HLM de 51 logements n’ont pas baissé significativement. Quant au cas des HLM d'Amiens, le montant des factures a progressé de 30% avant et après la pose de compteurs individuels et le pourcentage d’impayés s’est avéré très élevé.

Concernant l’objectif environnemental : comme l’indique l’auteur dans son rapport : « pour l’instant, aucune baisse significative de consommation ne peut être constatée, alors que l’augmentation de la somme des factures par rapport à la facture collective d’avant est d’environ 30%. Ce qui fait que là encore, les gains (...) sont annulés par le coût des nouvelles charges fixes. »

Sur l’objectif économique : Bernard Barraqué a eu l’occasion de nous livrer sa position lors d’un débat organisé le 1er avril 2008 par le Cercle Français de l’Eau : « Fournir un abonnement à chaque occupant nécessiterait de faire une économie d'eau d'environ 17 m3 par an pour payer l'amortissement et l'entretien du compteur, le relevé et la facturation, ce qui est loin d'être évident. Fournir des volumes gratuits ou à très faible coût à tous, y compris aux plus aisés aboutit à se priver de recettes qui réduit l'équilibre financier du service.». Il ajoute : « Le service public de l'eau est une industrie de coût fixe et si les consommations diminuent, comme c'est le cas à Berlin et à Paris, l'équilibre du budget de fonctionnement du service contraint à augmenter le prix unitaire».

Enfin, et à propos de l’objectif social : il résume, toujours au cours du même débat: «Commençons par jouer sur le Fonds solidarité logement !». A ce propos, voir les travaux de Henri Smets actuellement en cours à l'Académie de l'Eau.

En conclusion, Bernard Barraqué invite à conserver des compteurs en pied d’immeuble à Paris. Et de conclure par une question pour l’instant non résolue : « Les principales questions qui devraient guider la poursuite de la réflexion ont trait à l’une des questions de départ : mais qu’est-ce qui fait baisser la consommation d’eau dans les villes ? ».

Référence juridiques:

Introduite par l’article 93 de la loi SRU [2] de 2000, la possibilité d’individualiser les factures d’eau a été renforcée par l’article 59 de la LEMA [3] de 2006 (codifié, voir ci-dessous).

« Tout service public de distribution d'eau destinée à la consommation humaine est tenu de procéder à l'individualisation des contrats de fourniture d'eau à l'intérieur des immeubles collectifs à usage principal d'habitation et des ensembles immobiliers de logements dès lors que le propriétaire en fait la demande. (…) » Article 93 de la loi SRU.

« Toute nouvelle construction d’immeuble à usage principal d’habitation comporte une installation permettant de déterminer la quantité d’eau froide fournie à chaque local occupé à titre privatif ou à chaque partie privative d’un lot de copropriété ainsi qu’aux parties communes, le cas échéant. (…) » Article L135-1 du code de la construction et de l’habitation.~

Pour aller plus loin:

Une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) de 2005 évoquait déjà les obstacles à la généralisation de ce mode de tarification notamment en terme de répartition des responsabilités en matière de recouvrement entre gestionnaires de l’habitat, syndicats des eaux et distributeurs d’eau.

A lire également les commentaire à la suite de l'article "Factures d’eau: l’individualisation n’est pas la panacée" paru dans le Journal de l'Environnement

Notes

[1]Laboratoire techniques, territoires et sociétés (Latts). Bernard Barraqué est aujourd’hui chercheur à l’École nationale du génie rural, des eaux et des forêts (Engref)

[2]Loi n°2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains

[3]Loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006 sur l’eau et les milieux aquatiques